Métabolisme du tryptophane

Une fois absorbé, le tryptophane est métabolisé selon trois grandes voies : la voie de la kynurénine (via les cellules de l’hôte), la voie de la sérotonine (via les cellules de l’hôte) et la voie de l’indole (via le microbiote intestinal).  

1. La voie de la kynurénine est la principale, représentant plus de 95 % du catabolisme du tryptophane alimentaire. Si elle se déroule principalement dans le foie (via la TDO), elle s’active également dans les tissus immunitaires et barrières (via l’IDO), en particulier en situation de stress ou d’activation immunitaire. Cette voie génère une variété d’intermédiaires bioactifs et contribue finalement à la synthèse endogène de NAD+, un cofacteur essentiel impliqué dans le métabolisme énergétique mitochondrial, l’équilibre redox et la réparation de l’ADN.
   Lorsque le stress immunitaire se prolonge, une plus grande part du tryptophane est orientée vers cette voie, ce qui peut entraîner des déséquilibres. Dans des conditions favorables, le métabolisme en aval privilégie la production de métabolites bénéfiques comme l’acide kynurénique (KYNA), tout en soutenant une synthèse efficace de NAD+. Lorsque l’équilibre se modifie, en raison de goulets d’étranglement enzymatiques, de stress oxydatif, de carences micronutritionnelles ou d’une activation immunitaire prolongée, le métabolisme s’oriente davantage vers des intermédiaires, tels que l’acide quinolinique (QA) et la 3-hydroxykynurénine (3-OH-KYN). 
   
   Le QA agit sur les récepteurs NMDA et peut amplifier la signalisation excitatrice dans le cerveau.
   La 3-OH-KYN favorise le stress oxydatif et la peroxydation des lipides.
   Une diminution du flux vers l’extrémité de la voie productrice de NAD+ peut entraîner une déplétion relative en NAD+, compromettant l’efficacité mitochondriale, l’énergie cellulaire et la résilience globale. 
   
   De tels schémas sont fréquemment observés dans des contextes de stress immunitaire persistant et de déséquilibre métabolique.
    
2. La voie de la sérotonine convertit le tryptophane en sérotonine (5-HT). Bien qu’elle n’utilise que 1 à 2 % du tryptophane, cette voie joue un rôle majeur dans la régulation de l’humeur, de la motilité intestinale et des rythmes circadiens. Toute modification de cette voie peut influencer l’équilibre émotionnel, la fonction digestive et la qualité du sommeil. 
    
3. La voie de l’indole, quant à elle, est activée par le métabolisme microbien dans le côlon. Certaines bactéries intestinales expriment des tryptophanases qui convertissent le tryptophane en indole et en ses dérivés, dont l’acide indole-3-propionique (IPA). Ces métabolites sont des ligands du récepteur des hydrocarbures aromatiques (AhR), soutenant l’intégrité de la barrière intestinale, la tolérance immunitaire et l’équilibre systémique. 
    

L’équilibre entre ces différentes voies métaboliques n’est pas une simple curiosité biochimique ; il reflète à la fois l’état fonctionnel de l’activité microbienne intestinale et la présence de stress immunitaire systémique. Ensemble, ils déterminent si le tryptophane est orienté vers des métabolites protecteurs ou associés au stress, avec des répercussions en aval sur la santé intestinale, immunitaire et métabolique. 
 

Une alimentation saine et riche en fibres favorise la production microbienne d’IPA, qui soutient ensuite l’intégrité de la barrière intestinale et la résilience métabolique. À l’inverse, l’inflammation systémique, le stress et la dysbiose font basculer le métabolisme du tryptophane vers un flux excessif empruntant la voie de la kynurénine, augmentant la production de métabolites associés au stress.  
 

C’est pourquoi le métabolisme du tryptophane est désormais considéré comme un pont moléculaire reliant le microbiote intestinal à la santé systémique. En examinant ces voies métaboliques, nous disposons d’un nouvel angle d’analyse pour évaluer l’impact du mode de vie et de l’alimentation sur, par exemple, l’immunité, l’humeur et le métabolisme. 

Récapitulatif rapide

• Le tryptophane est métabolisé en différents produits par l’hôte (votre organisme) et par le microbiote (les microbes qui vivent en vous), selon la façon dont il est transformé, et chacun de ces produits remplit des fonctions spécifiques dans le corps. 
• La voie de la kynurénine domine en situation de stress immunitaire, tandis que la voie de l’indole prospère lorsque l’intestin est en bonne santé. 
• Cet équilibre métabolique relie l’alimentation et l’activité du microbiote à l’immunité, à l’humeur et au métabolisme.